Ma langue natale

En production

Ecrit et réalisé par Rémi Mauger

Documentaire - 52'

Résumé

Elle avait les mots pour bien nommer des lieux et des gens, des situations, la nature, les caractères. Il est comment le temps quand il s’abernaodit, quand la vouétaine se met à rouéfyi et cache le crachin ? (quand le ciel s’assombrit, que le vent vire à l’ouest et chasse la bruine). Le crachin : les dictionnaires d’aujourd’hui vous diront que le mot est d’origine normande mais aucun bulletin météo ne sera assez précis pour définir toutes les formes de brouillard, toutes les directions prises par le vent. Mes grands-parents les connaissaient ; d’ailleurs dans leur village on disait plus volontiers le broussin que le crachin, y broustait souvent à Jobourg, su la lande. Il ne brouste plus ; le mot a disparu avec eux et leur génération, tout comme des noms de parcelles ou de chemins se sont effacés avec les remembrements, les pelleteuses et le nucléaire triomphant.
Oui je suis de la Hague, la péninsule là-haut, à la pointe nord-ouest de la presqu’île du Cotentin. Les vikings sont arrivés par ici, et leur langue avec eux, qui a continué de voyager puisque plus tard, avec Guillaume le conquérant, elle traversa la Manche pour donner naissance à l’anglais. Un chat (un ca), une chaise (eune tiaire), un jardin (un gardin) ont donné a cat, a chair, a garden… et de la poche que l’on appelle chez nous une poutiette est sortie a pocket. Forte de ses gallicismes la grande langue est issue de la petite et pas le contraire. L’anglais, finalement, ce n’est jamais que du normand mal prononcé.